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Une enquête du journal Le Monde sur le lobbying anti Nutri-Score: « Etiquetage nutritionnel en Europe : une bataille explosive, entre nationalismes, lobbying et menaces »

Le 26 décembre 2022, trois journalistes du Monde, Mathilde Gérard, Allan Kaval (correspondant à Rome) et Virginie Malingre (du bureau européen à Bruxelles) ont publié une enquête très documentée sur la bataille européenne du Nutri-Score, les stratégies des lobbys et les pressions politiques du gouvernement italien.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/12/26/etiquetage-nutritionnel-en-europe-une-bataille-explosive-entre-nationalismes-lobbying-et-menaces_6155686_3244.html
Texte ci-dessous:

Le Monde du 26 décembre 2023

Alors que la Commission européenne devait faire une proposition de logo nutritionnel harmonisé avant la fin d’année, la présentation a été décalée, freinée notamment par la fronde menée par l’Italie contre le Nutri-score.

A, B, C, D, E : cinq lettres affichées sur des produits alimentaires, accusées de discriminer des produits d’excellence, de détruire des traditions millénaires, de nuire à l’identité d’un pays, l’Italie… Sans craindre les excès et les outrances, le pays transalpin est à l’avant-garde de la bataille contre le Nutri-score, le logo nutritionnel adopté par son voisin français et d’autres pays européens. Un combat qui couve depuis plusieurs années, mêlant intérêts économiques défendus par des groupes de pression, étouffement du débat et menaces personnelles.

L’étincelle a été allumée en mai 2020, lors de la présentation par la Commission européenne de sa stratégie Farm to Fork (« De la ferme à la fourchette ») pour une alimentation saine et durable, dans laquelle était acté le principe d’un étiquetage nutritionnel commun à tous les Etats membres de l’Union européenne (UE). Un enjeu majeur alors que 53 % de la population européenne est en surpoids, 22 % souffre d’obésité, et que l’Europe voit exploser les maladies chroniques liées à l’alimentation. L’exécutif communautaire devait faire une proposition législative avant fin 2022, mais face à la fronde d’une partie des Etats membres, elle retient ses cartes, et explique finaliser l’étude d’impact avant de trancher.

Dans tous les pays ayant mis en place des logos nutritionnels sur le devant de leurs aliments – le système des feux tricolores au Royaume-Uni, les logos d’avertissement noirs adoptés au dans une partie de l’Amérique latine, le Nutri-score en France, etc. –, ceux-ci ont suscité des levées de boucliers de la part des industriels. La mise en place de l’étiquetage à l’échelle européenne n’échappe pas à la règle, à la différence près que la recherche de consensus entre les Vingt-Sept vire à la bataille diplomatique.

Jusqu’à cet été, le Nutri-score semblait avoir une longueur d’avance sur les autres logos expérimentés en Europe (le « verrou vert » dans les pays nordiques, le « Nutrinform » un temps poussé par l’Italie, avant d’être abandonné). Ce système, qui attribue une note de A à E et une couleur du vert au rouge, selon la composition des produits, a été adopté par sept pays européens : il est connu des consommateurs, validé par une centaine d’études publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture, plébiscité par le Centre international de recherche sur le cancer

Un système « absurde »

Son adoption en France, en 2017, comme étiquetage officiel (mais non obligatoire), avait été rudement combattue, mais peu à peu, le Nutri-score s’est imposé au secteur agroalimentaire. Plus de 400 entreprises se sont engagées à l’afficher, représentant plus de la moitié des volumes de vente. Le logo s’est également diffusé en Europe avec l’adhésion des pays du Benelux, de l’Allemagne, de l’Espagne et de la Suisse, se dotant d’un comité de gouvernance politique ainsi que d’un conseil scientifique indépendant.

Mais ces derniers mois, la fronde dans une partie de l’UE s’est intensifiée, et le Nutri-score, de favori, est devenu un repoussoir pour certains Etats. L’opposition italienne, devenue encore plus vocale après le changement de gouvernement cet automne, a marqué des points.

La nouvelle présidente du Conseil, Giorgia Meloni, est engagée de longue date contre le Nutri-score. Lors de la campagne des législatives de septembre, elle a multiplié les déclarations contre un système « absurde », « discriminatoire » et « pénalisant » pour les produits italiens. Son partenaire de coalition, Matteo Salvini, de la Ligue (extrême droite), le qualifie de « cochonnerie » inventée par les « multinationales »,et même de « plan secret » ourdi par l’Europe contre l’Italie.

A Bruxelles, le 12 décembre, le nouveau ministre italien de l’agriculture, Francesco Lollobrigida, un proche de Giorgia Meloni, a dressé un tableau apocalyptique du « modèle Nutri-score », qu’il associe au modèle de la « viande de synthèse » (qui n’est pas autorisée en Europe) et qui entraînerait la « désertification de territoires entiers ».

« Ferrero fait son lobbying sous la table »

Ce discours anti-étiquetage n’est pas nouveau en Italie. Mais il est désormais porté par le pouvoir en place. Les représentants transalpins agitent à l’envi les exemples de classements infamants, notamment les D ou E rouges attribués aux jambons de Parme, au gorgonzola, ou au parmiggiano reggiano. Comme pour toutes les charcuteries et fromages gras et salés, leur note signifie qu’ils doivent être consommés avec modération.

Mais pour les politiques italiens, c’en est trop ! En déclassant des totems de leur gastronomie, le Nutri-score s’attaquerait au régime méditerranéen. L’huile d’olive (jusqu’alors classée C, et qui sera bientôt notée B selon l’algorithme révisé) est moins bien notée qu’un soda light (B) ? C’est bien la preuve, pour ses détracteurs, que le Nutri-score dysfonctionne… Peu importe que nul n’est censé boire un verre entier d’huile d’olive et que les deux produits ne sont en rien comparables.

Pour les experts en santé publique, c’est, en réalité, un peu plus que la défense des produits du terroir qui se joue dans cette bataille. L’Italie abrite un secteur agro-industriel puissant, rassemblé au sein de Federalimentare, qui compte pour 8 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. Au premier rang de ces industriels se trouve le groupe Ferrero. Selon Dario Dongo, expert en nutrition, ancien cadre de Federalimentare et animateur du site Geatitalianfoodtrade.it, l’opposition au système français est une donnée structurelle dans les relations institutionnelles du secteur, et notamment dans la stratégie de Ferrero.

Depuis les premiers débats sur l’étiquetage en France, le géant italien s’oppose au Nutri-score et refuse d’appliquer le logo sur ses produits, notamment sur son emblématique Nutella. Contacté par Le Monde, Ferrero répond être « favorable à un étiquetage harmonisé sur le devant des aliments », mais avec « un principe clé : prendre correctement en compte le rôle des portions pour une alimentation équilibrée ».

Une position qui revient à discréditer le Nutri-score puisque ce dernier évalue tous les produits selon la même référence de 100 grammes ou 100 millilitres, la notion de portion étant sujette à interprétation et pouvant varier selon les individus.

 « Sous couvert de protéger le régime méditerranéen, Ferrero fait son lobbying sous la table,constate Melissa Mialon, spécialiste des conflits d’intérêts en santé publique au Trinity College de Dublin et qui a notamment suivi de près la mise en place des logos nutritionnels en Amérique du Sud. Officiellement, ils disent qu’ils font partie de la solution et qu’ils veulent aider les gens à mieux manger, mais la réalité, c’est que la plupart de leurs emballages vont être impactés négativement par l’étiquetage. »

Convergence entre petits producteurs et industriels

La bataille contre le Nutri-score a mis en évidence et renforcé, selon Dario Dongo, l’alliance d’intérêts entre les géants italiens de l’industrie agroalimentaire et les défenseurs des produits emblématiques du « made in Italy », représentés quant à eux par Coldiretti, la principale confédération agricole italienne. Une convergence inattendue entre producteurs de junk food et coopératives de produits d’excellence.

Avec réserve, cette lecture est d’ailleurs partiellement partagée par des références de l’artisanat culinaire italien. C’est le cas de Slow Food, un mouvement international né en Italie pour défendre une gastronomie durable et socialement juste. « Le secteur alimentaire, l’exportation du “made in Italy” et la dimension gastronomique du tourisme forment le dernier bastion économique qui tienne en Italie. Il est en grande partie représenté par des producteurs familiaux, de taille moyenne, que le Nutri-score peut pénaliser considérablement », fait valoir le philosophe et gastronome Eugenio Mailler, un des représentants de Slow Food.

Si la convergence entre petits producteurs et industriels sur le sujet de l’étiquetage a fait mouche, c’est aussi parce qu’elle a trouvé une oreille attentive dans la sphère politique italienne. Selon Paolo Vineis, professeur d’épidémiologie environnementale à l’Imperial College de Londres et membre du Conseil supérieur de la santé italien, la prise en compte des intérêts économiques nationaux passe en Italie devant la nécessité de régulation.

« Je comprends l’argument selon lequel la production alimentaire est une des forces industrielles italiennes et qu’il faut la protéger,indique M. Vineis, qui a longtemps fréquenté les lieux de fabrication des politiques publiques italiennes, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la transparence et de l’examen scientifique des problèmes. »

« Propagande nationaliste »

« L’Italie en fait une question de tradition, de culture, de défense des AOP. Mais ce n’est pas l’objet de cet étiquetage nutritionnel de base », constate l’eurodéputée Véronique Trillet-Lenoir (Renew), spécialiste du sujet. L’épidémiologiste français Serge Hercberg, ex-président du Programme national nutrition santé pendant seize ans, dont l’équipe est à l’origine du Nutri-score, observe que « depuis des années, l’Italie bloque toute mesure de santé publique qu’elle considère comme contraire à ses secteurs économiques. Les industriels y bénéficient de porte-voix efficaces au niveau politique et gouvernemental ».

Dans ce contexte, difficile pour les voix dissonantes de se faire entendre. « Aujourd’hui, le récit anti-Nutri-score est devenu non seulement généralisé mais totalement hégémonique en Italie et on ne peut plus publiquement aller à son encontre »,constate Walter Ricciardi, ancien président de l’Institut supérieur de santé publique.

En mars 2021, le professeur, alors conseiller du ministère de la santé pour l’épidémie de Covid-19, avait déclenché une tempête de déclarations hostiles et d’appels à la démission en signant, avec 300 collègues européens, une pétition en faveur du Nutri-score. « J’étais simplement devenu un traître à la patrie »,se souvient M. Ricciardi. Sans changer de position, le professeur à l’Université catholique du Sacré-Cœur ne s’est plus jamais exprimé ouvertement sur la question sur la scène italienne. « A quoi bon ? », soupire-t-il.

« Beaucoup de scientifiques italiens font profil bas, le climat est très délétère, confirme Serge Hercberg. Ce qui se passe en Italie, ce sont des attaques nominales, ce qu’on n’a pas vu dans d’autres pays. Le discours politique italien cherche non seulement à décrédibiliser, mais à jeter en pâture des chercheurs et des travaux scientifiques, sur fond de propagande nationaliste. »

L’épidémiologiste français a lui-même fait les frais de cette stratégie du bouc émissaire. En plus d’être blâmé publiquement par des représentants politiques italiens, Serge Hercberg a fait l’objet de flots de messages haineux et antisémites sur les réseaux sociaux, jusqu’à des menaces de mort. « Ce qui a fait le lit de cette violence, c’est la propagande officielle des mouvements populistes et d’extrême droite », poursuit le scientifique.

Multiplication des rencontres à Bruxelles

Si une partie du combat anti-Nutri-score se joue sur les réseaux sociaux et dans ces outrances, les opposants au logo ont également fourbi leurs armes à Bruxelles de manière plus feutrée, multipliant les rencontres au sein des enceintes institutionnelles, souvent à charge, et souvent parrainées par le secteur agroalimentaire.

Mieux valait se doter d’un agenda bien organisé pour tout suivre : le 26 octobre, un événement de la représentation italienne auprès de l’UE était organisé avec le soutien de Federalimentare ; le 10 novembre, la présidence tchèque du Conseil de l’UE convoquait une conférence sur le sujet avec le Copa-Cogeca (premier regroupement européen de confédérations agricoles) et des industriels du secteur – l’Allemagne a par la suite reproché qu’aucun des pays ayant adopté le Nutri-score n’ait été convié ; le 16 novembre, c’est un débat au Parlement européen sur la diète méditerranéenne qui a été l’occasion de dérouler les arguments contre le logo ; le 29 novembre, des eurodéputés échangeaient sur l’étiquetage lors d’un débat parrainé par un think-tank italien prolibéral, Competere ; le lendemain, une nouvelle rencontre sur le même sujet était organisée par l’eurodéputé Paolo De Castro (S&D), avec le soutien de régions productrices (Emilie-Romagne, Lombardie, Piémont…)

Les think tanks et cabinets de lobbying bruxellois ne sont pas en reste. Une société se montre particulièrement active, Must & Partners, dont l’équipe est principalement italienne, et dont le fondateur, Luciano Stella, a monté une « No-Nutriscore Alliance ». Celle-ci prétend rassembler les voix de citoyens et de professionnels engagés contre le logo, et avoir le soutien de scientifiques ayant signé son « manifeste ».

Son site ne donne toutefois aucune liste de signataires. Au registre de transparence de l’UE, elle déclare employer 0,3 équivalent temps plein, et n’avoir aucun membre accrédité auprès des institutions européennes (à l’inverse de Must & Partners, qui compte huit membres accrédités). L’association est pourtant très active sur Twitter, et a participé à de nombreux événements institutionnels ces derniers mois. Le 30 mai, elle assistait même à une rencontre organisée par la représentation italienne auprès de l’UE, postant une photo de ses « Propositions d’activités à développer à Bruxelles », un document présenté sous son logo propre.

A quel titre cette alliance est-elle intervenue à cet événement et aux autres rendez-vous institutionnels ? A-t-elle bénéficié de l’introduction dans les hautes sphères bruxelloises du cabinet Must & Partners ? Ce dernier, qui compte entre autres clients Philip Morris, une société de cryptomonnaies et plusieurs entreprises de services tech, n’indique aucune activité dans l’agroalimentaire et assure que l’engagement de son fondateur contre le Nutri-score n’est que personnel. Sollicité par Le Monde, Luciano Stella n’a pas répondu à nos questions.

La stratégie des « anti » a payé

Intriguée par l’activité de cette « alliance », le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a déposé plainte le 1er juillet auprès du registre de transparence de l’UE, mais l’enquête a été classée une semaine plus tard, le secrétariat du registre estimant avoir reçu des explications suffisantes de la part des concernés.

Toutefois, pour le BEUC, le classement de l’enquête ne lève pas toutes les interrogations. « Le secrétariat se contente d’enregistrer les informations données, sans moyen de vérification, regrette Camille Perrin, responsable des politiques alimentaires du BEUC. On avait participé à un événement en mai sur l’étiquetage, où cinq représentants de l’alliance étaient présents. On ne fait pas ça pro bono sans financement. »

Au fil des mois, la stratégie des « anti » a payé et le doute sur la pertinence du Nutri-score s’est immiscé dans plusieurs capitales européennes. L’Italie a rallié à sa position plusieurs Etats membres, dont la Grèce, Chypre, la Roumanie, la Lettonie, la République tchèque et même la Hongrie qui, pour sa part, milite avant tout pour que rien ne soit fait. Ces derniers mois, l’Espagne, pourtant utilisatrice du Nutri-score, s’est montrée beaucoup plus ambiguë sur le sujet et Rome se plaît à imaginer que Madrid est désormais de son côté.

Paris et Berlin restent les voix les plus engagées en faveur du Nutri-score, mais sont moins audibles. Le gouvernement français continue de plaider pour un logo harmonisé obligatoire et minimise la brouille avec l’Italie. « On n’est pas en train de se faire la guerre et on échange régulièrement, assure-t-on au ministère de l’agriculture, et le mois dernier, on a rencontré le nouveau ministre italien de l’agriculture en [réunion] bilatérale pour aborder ce sujet. »

« C’est un sujet trop complexe pour se hâter »

La Commission européenne reste, quant à elle, sur une position de réserve. Chacune de ses sorties sur l’étiquetage nutritionnel est décortiquée et interprétée par les parties prenantes.

Fin septembre, la directrice adjointe de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire, Claire Bury, déclarait lors d’une conférence organisée par le site Politico.com : « Nous examinons tous les systèmes d’étiquetage nutritionnel présents sur le continent européen (…). Aucun algorithme n’est parfait. » Il n’en fallait pas plus pour que l’Italie y voit le signe que ses arguments portent leurs fruits et que la position française perd du terrain.

Fin novembre, le premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans, semblait à son tour tourner le dos au logo, déclarant, dans un entretien au Monde : « Avec le Nutri-score, on n’y est pas encore. J’ai du mal à comprendre ce qu’il signifie. Pourquoi un produit transformé peut-il avoir un meilleur Nutri-score qu’un produit naturel ? »

Mais la commissaire à la santé, Stella Kyriakides, n’a rien montré de ses intentions lors du conseil des ministres de l’agriculture du 12 décembre, se contentant de rappeler que la Commission finalisait son étude d’impact. Personne au sein de l’exécutif communautaire, pas plus qu’au Parlement européen ou dans les ambassades des Etats membres, ne se risque ainsi à évoquer une date de présentation.

« On va prendre notre temps, c’est un sujet trop complexe pour se hâter », commente un commissaire qui souhaite garder l’anonymat. Avec un risque toutefois : les élections européennes de 2024 approchent et le temps utile en termes législatifs pour mettre en œuvre une telle réforme se réduit. « Pour que les textes avancent, il faut aussi que les présidences de Conseil les poussent », observe le ministère français de l’agriculture, qui attend de la Suède, qui prendra la présidence du Conseil à partir du 1er janvier, qu’elle fasse avancer le dossier.

« Un premier pas très important »

Du côté des opposants au logo, on se réjouit du changement d’ambiance à Bruxelles. « Il y a quelques années, nous perdions le match du Nutri-Score 4 à 0,admet le président de la Federalimentare, Ivano Vacondio. Aujourd’hui nous sommes revenus à un score nul, 4 partout, mais nous avons encore du travail. » La décision de renvoyer la proposition européenne est perçue comme « un signe de la crise de crédibilité du Nutri-score,selon Alessandro Apolito, responsable des filières pour Coldiretti. Un système trop simple nuit à l’information des consommateurs. Pour nous, l’affichage des calories est suffisant. »

L’influent groupe FoodDrinkEurope, qui fédère la majorité des industriels du secteur, plaide pour une « solution légalement solide » et cite dans sa communication le système des « verrous verts » des pays nordiques, un affichage peu contraignant, qui valorise les nutriments favorables à la santé mais n’émet pas d’avertissement sur ceux qui doivent être consommés avec modération.

Dans la sphère scientifique, l’inquiétude monte qu’un logo harmonisé ne puisse voir le jour dans les temps. « Je suis très pessimiste [sur le fait] que la Commission arrive à faire une proposition d’étiquetage l’an prochain, note Mike Rayner, professeur de santé des populations à l’université d’Oxford, qui a œuvré à la mise en place de l’étiquetage des feux tricolores au Royaume-Uni. La plupart des études montrent que les codes couleur sont ceux qui fonctionnent le mieux. Je ne vois pas d’alternative au Nutri-score, ou alors un système qui lui ressemble fortement. » L’épidémiologiste rappelle que l’enjeu de l’étiquetage dépasse la simple information au consommateur : « C’est un outil politique qui est loin d’être anecdotique, qui permet de déterminer ensuite quels produits peuvent faire l’objet de marketing auprès des enfants, ou pourquoi pas, introduire une taxation différenciée… »

Les associations de consommateurs se montrent très attentives à ce que la proposition de la Commission ne soit pas enterrée à force d’être retardée. « L’étiquetage est un premier pas, très important, pour montrer que les pouvoirs publics priorisent la santé publique sur les intérêts économiques, fait valoir Camille Perrin, du BEUC. En soi, c’est une mesure assez simple à mettre en place, mais si ce n’est pas adopté, on peut faire une croix sur toute politique de santé publique. »