Suite au rejet le 4 décembre 2025 (à 3 voix près) par l’Assemblée Nationale, de l’article du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2026 prévoyant que l’affichage du logo nutritionnel Nutri-Score sur les aliments industriels soit rendu obligatoire en France (après que le Sénat ait également voté contre le 21 novembre alors que l’Assemblée Nationale avait voté des amendements en ce sens en 1ère lecture, le 7 novembre), les chercheurs et acteurs de santé publique à l’origine du Nutri-Score invitent les citoyens à faire entendre leur voix en signant, la pétition « Pour rendre obligatoire l’affichage du Nutri-Score sur les emballages des aliments en France » accessible sur le site de l’Assemblée Nationale: https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-4753
Retour sur les débats parlementaires
Pour arriver à ce rejet de l’obligation du Nutri-Score, au niveau des deux chambres, les parlementaires opposés au Nutri-Score ont mis en avant la « soit-disant » défense les produits traditionnels AOP/IGP, utilisant des arguments totalement fallacieux… Les appellations et indications d’origines protégées informent uniquement sur le rattachement à un terroir, à un mode de production vertueux et un savoir-faire reconnu avec un cahier des charges précis. Si intéressants que soient ces éléments, ils n’ont rien à voir avec le sujet sur lequel renseigne le Nutri-Score, qui est la qualité nutritionnelle des aliments.
Les arguments en faveur de l’exemption des aliments AOP et IGP, mis en avant de longue date par certains lobbies agroalimentaires, s’appuient sur des arguments « gastro-populistes ». Il s’agit de promouvoir certaines caractéristiques ou qualités des aliments, comme le terroir ou la tradition, pour occulter leur composition nutritionnelle ou leurs effets sur la santé. Avec, en arrière-plan, la volonté de défendre des intérêts économiques. Dans un tel contexte, un « aliment avec un signe d’identification de la qualité et de l’origine » n’est pas forcément un « aliment favorable à la santé ». En effet, dans le cahier des charges pour attribuer une AOP ou une IGP, ne figure aucune référence à la composition et la qualité nutritionnelle des produits. Les critères d’attribution portent sur d’autres éléments que les aspects nutritionnels (https://theconversation.com/nutri-score-pourquoi-exempter-les-aliments-aop-et-igp-naurait-aucun-sens-270202). Il est également important de rappeler que la majorité des fromages AOP/IGP, ceux défendus avec vigueur au Sénat et à l’Assemblée Nationale, sont en fait des produits industriels fabriqués par LACTALIS et SAVENCIA qui, à eux deux, recouvrent la production de 80 % du Roquefort qui porte une AOP)…
Et ainsi, nous avons assisté à une pure instrumentalisation de la défense des petits producteurs locaux afin de polluer le débat réel. Car, en fait, les petits producteurs de fromages et de charcuteries artisanaux, vendent des produits non emballés et sont déjà dispensés par la réglementation de toutes formes d’information nutritionnelle et donc de Nutri-Score. Les seuls fromages avec une AOP ou une IGP concernés par son affichage sont donc bien ceux produits par les grands groupes agro-alimentaires (LACTALIS et SAVENCIA).
Mais ou se pose réellement la cohérence du vote des parlementaires, c’est qu’ils ont d’abord voté l’exemption de l’obligation du Nutri-Score de tous les produits AOP et IGP argumentant que ces aliments traditionnels devaient être différenciés des aliments industriels et donc exemptés du logo nutritionnel. Le vote a entériné cette position avec une large majorité.
Or, une fois obtenu (même sur des arguments discutables) cette exemption des AOP/IGP, on aurait donc pu s’attendre à ce que les Sénateurs/Sénatrices et les député.e.s votent l’article obligeant l’affichage du Nutri-Score pour tous les autres aliments industriels pré-emballés qui sont la très grande majorité des produits achetés par les consommateurs (et qu’ils ont critiqué tout au long des débats)… Et bien non ! La grande majorité des parlementaires deux chambres ont finalement voté contre l’obligation du Nutri-Score sur les aliments industriels sans AOP/IGP (212 contre vs 117 pour) et idem à l’Assemblée Nationale en 2ème lecture (120 contre vs 117 pour). Ainsi finalement ce sont tous les aliments industriels qu’ils ont également exemptés du Nutri-Score obligatoire. Ferrero, Coca-Cola, Mars, Mondelez, Lactalis, Kraft, Unilever International, Danone et tous les industriels qui refusent d’afficher le Nutri-Score ont remporté une victoire… Leur opposition à afficher le Nutri-Score a été entendue par une majorité de sénateurs et de députés.
Le détail des votes des sénateurs et des députés est accessible sur les sites du Sénat (https://senat.fr/scrutin-public/2025/scr2025-40.html) et de l’Assemblée Nationale (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/scrutins/4515)
Ils ont été également aidé dans les débats par l’avis négatif du gouvernement qui a utilisé pour refuser la mesure d’obligation du Nutri-Score sur tous les emballages des aliments l’argument qu’elle serait contraire aux normes européennes (le même argument est utilisé par l’ANIA, l’Association Nationale des Industries Alimentaires) n’est absolument pas acceptable. C’est un alibi qui ne tient pas la route comme nous l’expliquons dans la Tribune que nous avons publié dans l’Express: « L’appel des scientifiques à l’origine du Nutri-Score : « Il est possible de rendre son affichage obligatoire en France » (https://www.lexpress.fr/sciences-sante/lappel-des-scientifiques-a-lorigine-du-nutri-score-il-est-possible-de-rendre-son-affichage-NDSSBIFAE5BPDLS5GCJLUZVNV4/).
En effet sur le plan juridique européen, l’obligation d’affichage du Nutri-Score sur les aliments peut être justifiée par l’article 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui autorise les Etats membres à déroger au principe de libre circulation des marchandises pour des motifs de protection de la santé publique, pour autant que la mesure soit nécessaire, proportionnée et non discriminatoire.
La mise en œuvre obligatoire du Nutri-Score répond à ces critères : parfaitement justifiée en termes de santé publique, elle ne favorise aucune entreprise, ni origine géographique particulière. Il s’agit d’une mesure proportionnée : ses coûts de mise en œuvre sont négligeables.
En outre, des précédents récents au sein de l’Union européenne confirment la validité de la démarche de rendre le Nutri-Score obligatoire dans notre pays. Ainsi, l’Irlande a adopté en 2023 un étiquetage sanitaire obligatoire sur les boissons alcoolisées précisant les risques liés à la consommation d’alcool. Cette initiative, qui allait au-delà des prescriptions européennes communes, illustre la marge d’appréciation reconnue aux Etats membres lorsqu’ils poursuivent un objectif impérieux de santé publique.
De la même façon, la France a interdit en 2020, au nom du principe de précaution, les aliments contenant du dioxyde de titane (additif E171), malgré la réglementation européenne sur la libre circulation des produits et son utilisation dans d’autres Etats membres. L’interdiction unilatérale par la France a d’ailleurs favorisé l’adoption au niveau européen de la mesure qui est survenue deux années plus tard. Ainsi le fait de rendre obligatoire le Nutri-Score en France de façon anticipée pourrait favoriser la prise de décision par la CE d’une telle mesure qui était planifiée pour entrer en vigueur en 2022 mais qui n’a toujours pas été prise (du fait de l’action de puissants lobbies au niveau européen).
Il est donc aujourd’hui fondamental de faire entendre la voix des citoyens/consommateurs pour faire pression sur les politiques et remettre dans le débat législatif cette mesure de santé publique. D’ou l’appel à signer la pétition accessible sur le site: https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-4753

Texte de la pétition
Pour rendre obligatoire l’affichage du Nutri-Score sur les emballages des aliments en France
Serge Hercberg, Emmanuelle Kesse, Maria del Pilar Galan, Mathilde Touvier, 20/11/2025
Identifiant: N°4753
Le 7 novembre 2025, dans le cadre de la discussion sur le PLFSS à l’Assemblée Nationale, les députés ont adopté deux amendements rendant obligatoire l’affichage du Nutri-Score sur tous les aliments.
C’est une bonne nouvelle pour les consommateurs et une victoire de la santé publique mais encore faut-il que la mesure aille au bout du processus législatif en contrecarrant l’action des lobbies qui s’y opposent.
Cette mesure est justifiée par le fait que, depuis l’arrêté interministériel du 31 octobre 2017, l’apposition du logo Nutri-Score sur la face avant des emballages des aliments repose sur le volontariat des opérateurs économiques. Cette approche facultative, bien qu’ayant favorisé une adoption partielle du dispositif sous la pression sociétale (1500 marques ont adopté le Nutri-Score, ce qui représente environ 60 % du marché alimentaire en France), elle demeure insuffisante pour garantir une information nutritionnelle transparente, accessible et compréhensible qui soit optimale pour permettre d’orienter les choix des consommateurs vers une alimentation plus favorable à la santé.
Diverses grandes entreprises, qui l’ont combattu depuis qu’il a été proposé, refusent toujours de l’afficher (Ferrero, Lactalis, Coca-Cola, Mars, Mondelez, Kraft, Unilever…) et certaines qui l’avait finalement adopté (Danone, Bjorg, Cristaline) ont décidé de ne plus l’afficher suite à la mise en place en mars 2025 du nouveau Nutri-Score mis à jour par les scientifiques et plus sévère pour les produits sucrés et les boissons édulcorées.
Or, dans un contexte d’augmentation continue du surpoids et de l’obésité au sein de la population — touchant en France un adulte sur deux et près d’un enfant sur cinq —et de l’incidence élevée des maladies chroniques liées à la nutrition (cancers, maladies cardiovasculaires, diabète…) qui ont un coût humain, social et économique considérable, l’État français a le devoir, de prendre toutes mesures visant à préserver et promouvoir la santé publique.
Comme l’ont montré de nombreux travaux scientifiques (plus de 150 études publiées en Europe), le Nutri-Score est un outil de santé publique efficace pour améliorer l’état nutritionnel de la population contribuant à réduire le risque de maladie chroniques. Les travaux scientifiques accumulés depuis plusieurs années démontrent clairement que le Nutri-Score peut contribuer à réduire le risque des pathologies chroniques qui constituent les enjeux majeurs de santé publique auxquels nous sommes confrontés en France. Mais pour être pleinement efficace, il doit être affiché sur l’ensemble des aliments mis à disposition des consommateurs.
A l’instar d’autres Etats Membres (la Belgique, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Espagne), la France a plaidé de nombreuses fois auprès de la Commission européenne pour l’adoption obligatoire au niveau européen d’un étiquetage nutritionnel complémentaire face avant tel que le Nutri-Score .
Malheureusement, en dépit de l’intérêt sanitaire d’une telle mesure pour la santé des Européens et de la reconnaissance et du soutien de la part de la communauté scientifique, de grandes organisations officielles et d’ONG actives dans le domaine de la santé et de la défense des consommateurs, la CE qui s’était engagée en 2020 dans le cadre de sa stratégie Farm to Fork à mettre en place un logo nutritionnel basé sur la science obligatoire en Europe, n’a pas progressé sur ce dossier.
L’instauration du Nutri-Score à titre obligatoire en France pour améliorer la santé des consommateurs en réduisant le risque de maladies chroniques, est donc à envisager en l’absence d’harmonisation européenne.
L’affichage du Nutri-Score sur l’ensemble des aliments permettrait en améliorant les apports et la consommation alimentaire de la population française de réduire les facteurs de risque associés aux maladies chroniques non transmissibles (MNT) (diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, certains cancers), dont le fardeau sanitaire et économique pèse lourdement sur les dépenses publiques et la société.
Dans la situation actuelle où le Nutri-Score n’est pas obligatoire, certains grands groupes agro-alimentaires refusent de l’afficher sur leurs produits (dont la composition nutritionnelle n’est le plus souvent pas favorables). Cette situation constitue donc une perte de chance pour les citoyens français. Ceci justifie qu’il soit rendu obligatoire. Les parlementaires et le gouvernement français doivent répondre à la demande sociétale. C’est une urgence de santé publique.
